Interview_

  Le cimetiere des papillons
 Sur la planète Shamäyor tout est sujet à la déliquescence, la putréfaction sèche et la rouille. Seul les organismes vivants perdurent. L'entropie est la seule donnée stable dans un monde où des cités, abreuvés par des sources miraculeuses, s'accumulent sur les noeuds d'un réseau qui est une fin en soi.

  Parabole d'une Afrique porteuse d'un renouveau insoupçonné, mort des idéaux et ouverture aux possibles, personnages emblématiques qui se croisent comme des poupées de chiffon sous les yeux des cinq joueurs du Domaine manipulés eux aussi par quelque puissance supérieure, le cimetière des papillons est plus que la somme de ses parties, loin s'en faut. Car il s'agit bien là d'un monde aux règles propres qu'il vous faudra découvrir, un univers étonnant qui se transforme sous vos yeux et dont la richesse n'est parfois qu'entrevue.


Aelhomin :
Dans Le Cimetière des Papillons le monde où évoluent les personnages est un immense jeu, comment t'est venue cette idée ?
R. Canal :
Je suis depuis des années un fan de jeux vidéos, du genre Populous, Settlers ou Génésia. Mais il m'a toujours paru dommage que dans les monde que l'on construit, le joueur n'ait pas la possibilité d'approfondir la psychologie des personnages qui y évoluent. Il était intéressant de reprendre le thème de la manipulation, qui m'intéresse particulièrement, et de mettre en scène des personnages dotés d'une certaine profondeur, de créer un univers où l'on pouvait diriger très finement des personnages clés. Le principe même de la création littéraire mis en abîme.
Aelhomin :
Mais contrairement à ton livre, dans les jeux vidéos, les joueurs sont des dieux.
R. Canal :
Il est vrai que dans Le Cimetière des Papillons, les dieux sont eux-mêmes manipulés. C'est une thématique qui m'est chère. Le lecteur de mes romans est habitué à trouver des niveaux imbriqués les uns dans les autres. Il n'accède jamais à la vérité suprême. Quand il croit arriver au niveau ultime, il y en a toujours un autre derrière... c'est une quête de l'infini qui pourrait caractériser la plupart de mes livres.
Aelhomin :
Le Jeu, est-il un super ordinateur?
R. Canal :
On ne peut pas dire que c'est un ordinateur, je ne cite nulle part le terme. Ce peut être aussi bien une créature extraterrestre qu'un principe totalement éthéré... C'est un principe, la quintessence du jeu. Le Jeu pourrait-être la planète Shamäyor elle même, mais je l'entrevois plutôt comme un univers beaucoup plus vaste.
Aelhomin :
Dans le monde du Jeu, rien ne perdure. Tout objet est voué à disparaître dans un laps de temps très court. D'où vient l'idée d'une entropie maximale ?
R. Canal :
C'est une constatation. Dans le monde qui nous entoure, les objets sont conçus pour avoir une durée de vie déterminée. Je ne pense pas que les constructeurs aient un quelconque intérêt à produire une voiture éternelle. Sans qu'on s'en rende compte il existe autour de nous une obsolescence consciemment programmée. J'étais parti à l'origine sur l'idée d'un monde où les multinationales cherchaient à réaliser des profits plus importants en réduisant petit à petit la durée de vie des objets, puis je me suis dit pourquoi ne pas créer un monde où l'entropie aurait atteint une valeur limite, galopante.
Aelhomin :
Il est un personnage bien curieux, le Clown. Parles- nous de lui.
R. Canal :
C'est l'absurde, la part de hasard dans toute chose. C'est un peu le fou dans la tragédie shakespearienne. Il n'appartient pas au monde dans lequel il évolue, il n'obéit pas aux Joueurs, rien n'a prise sur lui. Quand il se transforme en clown blanc, c'est un sacrifice. Il a fallut que l'absurde se sacrifie pour faire muter le monde. Mais l'absurde est immortel et le clown peut très bien réapparaître sur un autre monde, dans un autre livre.
Aelhomin :
Contrairement à la trilogie africaine, l'action du livre ne se citue pas dans un monde cyberpunk.
R. Canal :
Quand on écrit une trilogie qui surfe sur la vague cyberpunk, ca fait du bien d'aller voir ailleurs. Le cyberpunk est un univers assez clos, assez limité, dans lequel on ressasse les memes idées. J'avais envie de m'évader dans les étoiles, de respirer une bouffée doxigène.
Aelhomin :

Du cyberpunk, de la Sf, mais pas d'heroic fantasy ?
R. Canal :

Ca peut venir, je ne suis pas contre. Mais il me faudrait dynamiter les themes, ce qui demande un sacré travaille. Car c'est un genre qui dure depuis longtemps et pour renouveler un théme où beaucoup de voies ont été explorées, cela demande une réfléxion intense. Il n'est pas dis que je ne m'y attache pas.