Retour

Ael :
  Etoiles mourantes est dédicacé à des astrophysiciens et à quelqu'un qui travaille au CERFACS.

J.C. Dunyach :
  Oui, il a été dédicacé à trois scientifiques Jean-Pierre Luminet qui est astrophysicien à Meudon qui a écrit en particulier un livre sur les trous noirs, sur la mort des étoiles. Pourquoi, pour une raison très simple c'est qu'il y a quatre ou cinq ans de cela, JP Luminé est venu à Toulouse faire des conférences de vulgarisation sur la vie et la mort des étoiles et je suis allé y jeter un coup d'œil, parce que ça m'intéressait, et j'ai pris la baffe de ma vie. Ce type là, nous a montré comment une étoile naissait, vivait et mourrait. Nous a fait écouter le rythme des étoiles, les pulsars, les étoiles qui n'ont pas explosé mais ce sont transformés en pulsars. Nous a parlé de Peter Gabriel qui a joué en direct avec un observatoire où il avait dans les baffles en permanence le bruit des étoiles qui faisaient le rythme et lui improvisait là-dessus. Il nous a montré un film sur la manière dont explosé les étoiles. J'en suis ressorti avec un million d'idées dans la tête. Et plus tard quand l'histoire du livre c'est mise en place, j'ai repensé à tout ce que j'avais acquis dans cette conférence, je me suis dit, il faut que je le remercie et donc je lui ai envoyé un mot sur internet (il a un site d'ailleurs extraordinaire). Il m'a répondu qu'il adorait la SF et m'a demandé de lui envoyé le livre. Je me suis dit un type qui est scientifique qui parle si bien et qui en plus aime la SF ça mérite une dédicace. Et puis, il y a à Toulouse au CERFACS, une dame qui fait de la recherche avec qui j'ai bossé qui est en train de travailler sur les mathématiques de la réalité, les mathématiques de l'existence de Dieu d'une certaine façon. J'ai eu la chance de faire partie de son groupe, c'est en même temps complètement stimulant parce qu'il y a trois idées par jour qui mériteraient à chacune une semaine pour approfondir. On a jamais le temps mais ça carbure plein pot. Et en même temps on a quelquefois vraiment l'impression de toucher du doigt l'indicible et c'est passionnant. Et puis le troisième qui est mon ami Jean-Louis Trudel qui est lui aussi astrophysicien, qui est aussi écrivain de SF, qui lui s'est payé un boulot gigantesque et pénible, il s'est tapé la relecture du livre d'un point de vue scientifique pour les aspects d'étoiles et il m'a griffonné dans les marges les calculs pour que ce soit juste. Et il y a le tampon " approuvé par Jean-Louis Trudel " astrophysicien. Je suis très content.

 

Ael :
  Étant donné que le cadre de fond c'est une super nova, une étoile qui va exploser et qui explose, est-ce que c'était important malgré que l'on soit dans un cadre de SF de coller comme ça à la réalité ?

J.C. Dunyach :
Pour moi c'est important, je ne dis pas que dans l'absolu ça l'est. Je ne veux pas que ça interrompe la lecture, je ne fais pas de cours, ça n'a rien avoir, il doit y avoir peut être dix lignes d'explication sur 545 pages donc ça reste raisonnable mais quand on dit quelque chose autant que cela soit juste. A un moment donné, il y a un des vaisseaux qui déploie une toile pour envelopper l'étoile, enfin c'est particulier à expliquer, eh bien cette toile se déclenche avec un rayonnement d'un certain type. On a était regardé quel était la longueur d'onde qui allait bien et on a juste donné le chiffre. J'ai écrit déclenché par une radiation à 177 angströms. On aurait pu mettre 2642 tout le monde s'en serait foutu sauf 12 personnes qui nous auraient montré du doigt en disant " vous êtes lamentables ça ne peut pas être 2642 ça doit être fatalement compris entre 160 et 180 ". On a pris 177 et ces gens-là ne s'arrêtent pas, ils ne sont pas gênés dans leur lecture. Et chaque fois que l'on a pu le faire pour l'informatique, pour l'astrophysique, pour les problèmes de mécanique spatiale, pour la description du vaisseau, on a essayé de ne pas faire le genre de truc qui fait sauter au plafond en disant " mais il est complètement débile, il ne sait pas que c'est pas possible ! " Je ne dis pas que l'on ne s'est pas planté, c'est quand même de la SF, on a simplement découvert qu'en parlant avec les scientifiques, les scientifiques c'est des gens qui ont pleins d'idées, pleins d'idées merveilleuses et pleines d'idées encore plus démentielles que celles que nous les écrivains pouvons avoir. Et j'en parlais justement avec Jean-Louis Trudel et quand je lui disais " j'ai besoin de tel type d'effet ". Il me disait : " ne me parle pas de ta théorie mais dis-moi ce dont tu as besoin et moi je vais te trouver un truc qui sera beaucoup plus marrant que ce que tu vas faire et qui aura plus de chances d'être vrai. " Alors je l'ai laissé faire. Et la théorie astrophysique du système d'étoiles binaires, c'est nous qui l'avons monté mais c'est lui qui a peaufiné les détails et qui l'a validée.

 

Ael :
  Est-ce qu'il n'y a pas une peur d'être dans l'obsolescence quand vous poussez loin par exemple dans la technologie sur les quatre branches de l'humanité, et que dans une quinzaine d'année on se dise, tiens c'est complètement dépassé. D'un autre côté, on arrive à une époque où la science va très vite, par exemple concernant le clonage humain, est-on pour ou contre même si on n'est pas sur qu'il n'a pas déjà été fait dans un laboratoire quelconque. Aussi, est-ce que l'on ne manque pas des fois d'imagination par rapport à la puissance du délire scientifique actuel ?

J.C. Dunyach :
Oui, ça c'est clair, nous serons démodés dans quelques années ! Bon j'espère qu'on tiendra 15 ans et ce sera déjà pas mal. Il restera l'histoire qui est le principal, les personnages, l'envie qu'on n'a de suivre mais par exemple il y a un sas qui est constitué en lamelle de titane, les gens nous diront "c'est ridicule... maintenant on emploi des système à hyper vibrations". Puis 15 ans après on dira encore autre chose etc. etc. Dans deux siècles de ça, on nous lira comme un roman historique, c'est ce que je me dis.

 

Ael :
  Quelle est ta position en SF par rapport à la science ?

J.C. Dunyach :
  Nous autres écrivain de SF, on vient nous interroger maintenant à l'approche du millénaire en disant les scientifiques, les savants avancent mais ils ne se posent pas de questions d'éthiques de questions de modes de vie et d'une certaine façon c'est vous qui les avez posées 15 ans avant les autres. Exemple, le problème du clonage  :la SF en parle depuis 20 ans, ça fait 20 ans qu'on s'est posé les problèmes. Est-ce qu'on peut imaginer qu'il y a des gens qui soient élevés ou des animaux uniquement pour faire des réserves d'organes ? Est-ce qu'on peut imaginer qu'il y ait une rupture au niveau d'une génération, que les enfants n'aient pas la même structure génétique que leurs parents ? Je me rappelle d'une nouvelle complètement bouleversante où des gens avaient joué avec leurs spermatozoïdes pour faire des enfants qui étaient d'une génération meilleure et ces enfants à 12, 13 ans abandonnaient leurs parents derrière eux comme on aurait laissé les dinosaures pour partir sur une autre planète et ils s'en allaient tout simplement. Ils disparaissaient et les parents se retrouvaient vieillissant sur Terre sans plus de gosses parce qu'ils avaient donné naissance à une espèce qui n'avait aucune raison de rester avec eux. Ce genre de préoccupation mérite que l'on se pose des questions et la SF ça sert à ça. Ça sert pas seulement à faire des pronostics scientifiques mais à dire si jamais un jour on est capable de faire ça grâce à la science, il faut se poser des questions.

Retour

Etoile mourantes, J'ai lu
Illustration Jean-Pierre Luminet.
Réalisation Aelhomin