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Ael :
  Que penses-tu du nouveau mouvement polar fantastique cyber punk anticipation sur quelques années avec les problèmes d'éthiques comme le livre de Maurice G. Dantec "Les Racines du Mal" qui a été une véritable bombe ? Ça marche très bien en France en ce moment. Flammarion vient d'ailleurs de sortir une collection. Est-ce que toi ça te branche ou pas ?

J.C. Dunyach :
  Ça a toujours existé. Ça me brancherait d'autant plus que la collection dont tu parles qui est la collection Quark Noir où le héros est à notre époque, pratiquement, un investigateur scientifique, c'est aussi un astrophysicien qui est devenu en quelques sorte une espèce d'enquêteur au service d'un organisme international de type ONU où il va enquêter sur les moments ou la science dérive ou des entreprises au nom du profit font sauter quelques verrous de l'éthique en faisant des choses pas trop normal qui vont du clonage génétique, des trafics sur le cyber space etc. Et il allait enquêter. Moi, j'avoue que ça m'intéresserait de faire un livre comme ça, je suis en train d'y réfléchir. Peut-être d'ailleurs de voir avec Ayerdhal si on pourrait en faire un ensemble parce qu'on serait assez bon pour faire ce genre de truc à deux. Cette idée d'une prospective assez rapide, elle existe, elle a pour moi un inconvénient c'est que les gens qui font ça ont une vision très manichéenne du monde, c'est-à-dire ils disent : y a les blancs, y a les noirs et de toute façon ça va bouger très vite, ça va péter. Or, je ne crois pas que les choses bougent très vite. Je suis un petit peu comme Ballard, je pense que les choses ne se cassent pas, elles rouillent, elles vont lentement, elles s'abîment petit à petit, les mouvements de masse sont peut être des irruptions brutales mais en fait ce sont de vastes lames de fond qui mettent des années et des années. Dans ces livres-là, il y a une espèce d'accélération brutale du temps qui fait qu'en trois, quatre ans le monde entier a changé, j'ai du mal à y croire. J'ai du mal à l'accepter. Par contre, se projeter dans le futur après que la métamorphose ait eu lieu, je trouve cela plus intéressant. Question de goût.

 

Ael :
  Non, c'est intéressant parce que c'est un mouvement mais on se demande s'il appartient réellement à la SF. Il n'y a plus vraiment de genre ça n'a pas beaucoup d'importance...

J.C. Dunyach :
  Tu as raison la SF a pénétré partout. C'est-à-dire que, je donne un exemple classique Houellebecq "Les particules élémentaires" : c'est un livre de SF à la fin il y a un personnage qui fabrique la race qui nous succèdent, bon c'est donc un thème de SF traité par une personne qui connaît la SF. Il a eu conscience d'écrire à la fin 25 pages de SF mais c'est passé en littérature générale, ça n'a gêné personne, il s'est retrouvé chez Pivot et les gens qui ont 40 ans comme moi, n'ont pas pu échapper à la SF étant jeunes. Ce sont des gens qui ont vu "2001 l'odyssée de l'espace" au cinéma, ces gens ont lu de la SF au lycée. Personne n'y a échappé. Donc que l'on le veuille ou non maintenant on a plus à se battre pour faire de la SF, on n'en met un petit peu partout, dans la littérature générale je vois de plus en plus de fantastique, de plus en plus de SF, de plus en plus d'éléments de magie...De la même façon qu'au cinéma la SF est très bien acceptée. Donc la SF, elle est tantôt prospective lointaine tantôt immédiate tantôt bizarroïde comme "Les fourmis" de Werber qui est quand même un des grands succès éditoriaux de ces dernières années. Je ne sais pas si on peut parler de mouvement, je crois qu'il y a des individus par exemple pour la SF tu parlais à prospective locale "Les Racines du Mal", c'est Dantec et pratiquement Dantec tout seul. Qui, avec le talent qu'il a, a pratiquement repris le genre à lui tout seul en France. Après est-ce qu'il y en aura d'autre, sera-t-il le seul ? C'est déjà suffisant qu'il soit là. Il y a aussi des gens qui écrivent, je pense à Michel Pagel en disant ça, des livres qui se passent à la fin du siècle dernier à l'époque de la Reine Victoria ou à Tanger dans les années 30 mais dans une réalité alternative où les choses ne se passent pas tout à fait de la même façon. Tout est possible, tout est intéressant et tout est amusant.

 

Ael :
  Sinon, il faut peut-être le préciser, tu as écrit beaucoup de choses en SF. Tu as écrit un recueil de nouvelles "Autoportrait" chez Présence du Futur qui est d'ailleurs plutôt fantastique qui est très très bon mais assez particulier. Tu as fait de l'héroïc fantaisie au Fleuve. Tu as touché un peu à tout. Est-ce que pour toi tu fais toujours la même chose où est-ce que tu te compartimentes dans tes diverses éditions ?

J.C. Dunyach :
  Tu me dis ça comme si je faisais ce que je voulais mais ce n'est pas vrai. Je raconte les histoires qui me viennent et je les raconte comme elles me viennent et j'essaie simplement de leur rendre justice. Les histoires, tu sais, c'est quelques choses qui te tombe dans l'oreille, qui te passe à portée de main, que tu reçois comme des cadeaux et la seule chose que tu puisses faire en tant qu'écrivain c'est de les restituer à ton tour aux autres sous une forme écrite. Donc quand il me vient une histoire de fantastique, j'écris du fantastiques, s'il me vient une histoire de fantasy, j'écris de la fantasy quand il me vient du space opéra, je fais du space opéra, j'aime tout. J'écrirai un polar (j'ai commencé d'ailleurs), j'écrirai peut être un livre de littérature générale, j'écrirai autre chose au fur et à mesure des idées qui me viendront et simplement parce que les histoires me seront données. Si un jour on ne me donne plus d'histoire je n'écrirais plus rien. Mais ça m'étonnerait.

 

Ael :
  Tu as quand même des thèmes récurrents dans tes livres, je pense aux villes, c'est quelque chose d'important pour toi. Dans "la guerre des cercles", il y avait Mauvagine, c'est-à-dire que le livre tournait autour d'un héros classiquement mais en toile de fond il tournait surtout autour d'une ville. Elle avait presque une vie propre alors que c'était une ville contrairement aux animaux villes, une ville en pierre. Et là avec les animauxvilles, tu pousses le fantasme jusqu'au bout puisque dans ton dernier livre elles vont jusqu'à comploter, jusqu'à chercher à prendre l'humanité. On les a un peu créées ces villes et maintenant c'est elles qui prennent la main.

J.C. Dunyach :
  La réflexion que j'en ai me vient d'une ville comme Paris par exemple. Il faut imaginer que nous, êtres humains, sommes rassemblés, personnages complexes, dans une ville et que nous avons créé un organisme, une structure qui ne s'occupe pas de nous rendre heureux mais qui s'occupe avant tout de durer et de s'étendre. c'est-à-dire que la ville Paris ne fonctionne pas pour les êtres humains, elle est désagréable, elle est pénible, elle n'est pas vivable, elle est polluante, elle fait perdre énormément de temps mais elle a trouvé un moyen d'attirer des gens qui la développent qui la font fonctionner. C'est-à-dire que l'on a créé quelque chose de plus vaste que nous, de plus complexe que nous qui se débrouille tout seul grâce à nous. Cette métaphore-là dans la SF ça m'intéresse c'est-à-dire créer quelques chose de plus vaste que l'homme de plus complexe que l'homme et qui se sert de nous. Eh bien je l'explore à ma façon quand je peux... quand les idées s'y prêtent.

 

Ael :
  Tu es d'accord dans le fait que tu pousses le fantasme jusqu'au bout avec les animaux villes puisque là elles arrivent à se développer en dehors de nous.

J.C. Dunyach :
  Disons que la grande trouvaille d'Ayerdhal a été de les rendre, les animaux villes, incroyablement plus humaines, supra humaines mais en même temps comploteuses, paranoïaques, dissimulatrices, menteuses, faux-culs à certain moment et en même temps passionnantes, amicales, maternelles, il y a une ville maternelle que j'aime vraiment beaucoup et donc ce sont des objets extraordinaires et des objets que l'on est capable d'aimer et y compris d'avoir des relations sexuels.

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