- Aelhomin :
- La première question qui vient à lesprit quand on voit vos couvertures, est doù part linspiration entre le livre et le tableau final ?
- Wojtek Siudmak :
- Linspiration est une chose très mystérieuse. Vous savez, il suffit de très peu de chose pour démarrer une idée. En fait, les images que vous trouvez sur les couvertures, ne sont pas forcement des images qui collent au texte. Ce sont des tableaux qui peuvent tout simplement inciter le lecteur à ouvrir le bouquin, je dirais que cest un tremplin pour limagination du lecteur. Jai beaucoup de respect pour limagination, qui est terriblement écrasée actuellement, parce que lon est entouré par des propositions toutes faites, partout le côté visuel est tellement développé que lun des rares champs où limagination peut voyager librement, cest la lecture. Et cest absolument catastrophique de délivrer ou de proposer au lecteur des images où il retrouve dans une certaine mesure des images sorties du livre alors que peut-être le lecteur a envie dimaginer la chose. Je pense que cest même une chose inadmissible de lobliger à imaginer comme ça et pas autrement. Lécrivain fait un effort considérable pour vous donner une description un peux floue, pour que vous puissiez imaginer ce que vous voulez, et subitement vous vous trouvez sur une couverture qui bloque totalement votre imagination, et souvent les gens sont malheureux à lissue dune lecture comme cela. Je me souviens, quand jétais jeune, on m'a offert un bouquin sur la mythologie grecque, et cétait illustré par un illustrateur très moyen donc jétais complètement malheureux quand jai lu ça parce que cela ne correspondait pas. Je pense que cest vraiment tragique de confier à quelquun qui na pas une grande qualité dillustrer des textes de qualité, cest carrément une partie dimagination qui est écrasée. Je dirais que cest impardonnable.
- Aelhomin :
- Vous cherché à retrouver lémotion du livre, une sensation ?
- Wojtek Siudmak :
- Ce qui est important, si vous voulez, cest que le lecteur trouve, je dirais, un tremplin, cest une émotion, trouver des couleurs qui sont marquées quelque part, et surtout ne pas freiner le lecteur dans sa démarche propre. Il faut lui offrir un univers sur lequel il puisse sappuyer et non pas qui lenvahisse dune manière trop précise. Ce que je propose cest tout simplement un tableau qui donne envie douvrir le livre.
- Aelhomin :
- En 1971 vous avez décidé de ne plus vendre vos uvres, mais de louer un droit de reproduction. Cest important pour vous de garder tout ce que vous faites ?
- Wojtek Siudmak :
- En fait, cela a beaucoup changé depuis. Cétait très important à une certaine époque parce que je quittais la Pologne, mes parents étaient morts, je me suis totalement éloigné de ma famille, en fait la seule famille proche que javais cétait ma production, ensuite les enfants sont arrivés et déjà cette attitude vis-à-vis des toiles à commencé à changer, et puis elle a changé dune façon assez définitive depuis que les enfants ont atteint une majorité. En fait, je me suis détaché, sentimentalement, de mes tableaux, comme lon peut entre guillemets se détacher de ses propres enfants parce quils ont leur propre vie. Et cétait une évolution je dirais naturelle, un peu comme une évolution physiologique.
- Aelhomin :
- Comment avez-vous pris à lépoque la proposition de Jacques Goimard dillustrer la collection Pocket ?
- Wojtek Siudmak :
- Et bien jétais enchanté, car jai toujours été fasciné par tout ce qui touche à lImaginaire, à la Science-Fiction. Quand je suis arrivé ici, javais dans mes bagages le souvenir de Jules Verne, des mythologies grecques, des choses comme ça. Jai commencé à lire Dick et dautres auteurs.
- Aelhomin :
- Est-ce que la musique influence vos dessins ?
- Wojtek Siudmak :
- La musique joue un rôle très important, mais je ne sais pas dans quelle mesure elle influence. Par exemple, la création se passe toujours en silence. Jécoute beaucoup de musique mais en dehors de ce moment essentiel qui est la création. Car la création est un moment bref qui est calqué sur la nature, cest une rencontre entre différents éléments, et sûrement la création est aussi très brève, cest-à-dire la première idée naît très rapidement. Cest un tout petit croquis, elle jaillit dune façon spontanée, il suffit de lattraper tout simplement. Cest un événement à chaque fois très particulier. On ne sait pas pourquoi ça naît comme ça, pourquoi cette idée vient de cette manière-là. Et la musique en faite, elle vient avant, parce que cest un bagage, et elle vient après. Elle vient après parce que quand lidée est déjà bien affirmée, quand le tableau est avancé, jécoute la musique tout simplement pour soutenir lexécution, mais elle nest pas présente au moment de la création. Le moment de la création est un moment vide, la musique est une uvre, je ne peut pas la traité comme un fond sonore, tout simplement pour amplifier une envie de peindre. Jaime bien écouter la musique classique. Par exemple Beethoven est fabuleux, parce que cest une musique qui a une très forte charge émotionnelle, au moment où je suis totalement en paix avec ma propre décharge émotionnel. Après je peux lécouter pour se charger à nouveau. Mais au moment de la création je préfère vraiment un vide total, rester tout seul dans le calme.
Les rencontres d'Aelhomin : |
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Illustration de W. Siudmak, © Siudmak, avec son aimable autorisation.
Réalisation et Interview par Aelhomin
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