Serge Lehman :
 Tout le concept village Veld a été formalisé pour moi en 93, au moment des manifs contre le CIP, qui avait lieu à l'époque du gouvernement Balladur. Chaque manif à Paris se terminait par cassages et rapidement le ministère de l'intérieur, Charles Pasqua ministre de l'époque, avait identifié les casseurs : c'étaient les gosses de banlieue qui venaient et qui profitaient des manifs pour casser. Et le jour où l'on a annoncé la plus grande manif au centre de Paris, Pasqua a eu cette déclaration hallucinante, il a dit "Je vais bloquer les trains de banlieues pour éviter que les casseurs viennent".
 J'ai trouvé qu'il n'y avait pas mieux comme exemple de début d'apartheid social, c'est-à-dire ces gens ne sont plus libres d'aller où il veulent sur le territoire de leur pays. Parce qu'ils sont d'un certain milieu, parce qu'ils sont identifiés par leur milieu, en particulier leur milieu de vie les cités de banlieue, il y a un endroit de la ville où ils ne sont plus admis simplement parce qu'ils viennent de là. A mon avis, c'est la première fois que l'on formalisait aussi clairement le fait qu'il y a une différence de culture, et donc de citoyenneté, entre les gens de la banlieue et les gens des centres-villes. Ça m'a frappé, et je me suis dit au fond rien n'interdit de penser que dans vingt ans il y ai sur le périf' des flics en armes qui empêchent les gens de rentrer.
 Tout ça se mêle au discours ultra-libéral ambiant qu'il faut rationaliser les dépenses, les services publics, au fond que les missions sont aussi bien sinon mieux assurées par les entreprises privées, donc apartheid social organisé par des compagnies privées, de là tout le reste a suivi. Ce n'est pas une vision très optimistes des choses.
Dans FAUST, il y a des choses très optimistes, en particulier sur la civilisation mondiale, mais c'est vrai que pour l'instant j'ai surtout souligné les aspects noirs.

Réalisation Aelhomin