Serge Lehman :
 Quand on est sur le net, quand on lit les livres en anglais, quand on est capable de parler avec un copain japonais ou australien parce qu'on parle la même langue qui est l'anglais, quand on lit des livres traduits moins d'un an après leur parution dans l'autre hémisphère, quand on voit tous les mêmes films, quand on écoute les mêmes musiques, on est en train d'inventer une civilisation mondiale. Et en plus, c'est assez homogène au niveau du mode de vie, je dirais. Ce qui est très troublant et ce qui rend les choses difficiles à accepter sans états d'âme, c'est que ce n'est valable que pour dix pour cent de la population du monde. Et quatre-vingt dix pour cent des autres, eux, se débattent dans des problèmes qui n'ont rien à voir avec la civilisation mondiale, qui sont des problèmes de quasi survie immédiate.
 Moi je vis au centre de Paris, je fais un métier que j'aime, mais je sais qu'à vingt kilomètres de chez moi il y a des bidonvilles. Et les gens qui vivent dedans me sont finalement, culturellement parlant, plus étrangers que mon homologue qui vit à San Francisco. Donc est-ce que l'on peut vivre dans une utopie pour dix pour cent des gens ?
 

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